Bruxelles, le 17 mars 2003
J'ai le grand plaisir de vous présenter aujourd'hui la troisième édition du 'Rapport Européen sur les Indicateurs de la Science et de la Technologie'. Ce rapport présente, sur base des données les plus récentes et les plus fiables, un aper?u détaillé - une photographie à haute résolution - des investissements effectués dans la recherche et des performances scientifiques et technologiques de l'Union européenne et de ses ?tats Membres. Il a été réalisé par mes services avec le soutien des meilleurs experts européens en la matière, et représente l'équivalent du rapport américain de la 'National Science Foundation' ('Science & Engineering Indicators'). Le rapport offre là où les statistiques le permettent une comparaison détaillée, d'une part entre les ?tats Membres, d'autre part entre l'Union européenne, les ?tats-Unis et le Japon.
Ce rapport est non seulement une excellente étude mais également un formidable outil de travail qui nous permettra de mieux évaluer nos forces et nos faiblesses et d'adapter en conséquence nos politiques de recherche aux besoins et caractéristiques de tout un chacun. Il permettra également aux décideurs politiques d'augmenter la cohérence des initiatives sectorielles, régionales, nationales et européennes, car il ne peut y avoir de dialogue politique sans base de comparaison objective et commune.
Ce rapport vient à point nommé. Vous savez qu'a lieu dans quelques jours un sommet des Chefs d'?tats et de Gouvernements européens à Bruxelles. L'une des préoccupations majeures de l'Europe à l'heure actuelle est de préciser comment relancer la croissance économique. Or, les investissements dits ' immatériels', c'est-à-dire les investissements réalisés dans des domaines comme les ressources humaines, la recherche et l'innovation, représentent un levier indispensable de la croissance à long terme.
Ce rapport nous délivre beaucoup de nouveaux enseignements. Je ne peux malheureusement pas m'étendre sur tous les sujets abordés dans ce rapport. Je me contenterai donc de vous présenter quelques tendances, qui montrent aussi l'importance de nos initiatives.
Nous disposons tout d'abord en Europe d'un potentiel humain et scientifique énorme. A cet égard en effet, l'Union européenne possède des atouts indiscutables face à ses concurrents. Elle produit actuellement plus de dipl?més et de docteurs - et de haute qualité - dans les disciplines scientifiques et techniques que les ?tats-Unis et le Japon. L'Union européenne est également la première puissance au monde en matière de nombre de publications scientifiques.
Toutefois, nous employons nettement moins de chercheurs que nos concurrents et la croissance de ces effectifs au cours des dernières années est également plus faible en Europe.
En matière de mobilité ensuite, nous attirons les ressources humaines étrangères principalement d'Europe (c'est-à-dire de l'UE à 15 et du reste de l'Europe) ainsi que des pays en voie de développement, mais beaucoup moins en provenance des autres régions industrialisées.
Par ailleurs, il y a toujours un nombre non négligeable de cerveaux qui s'expatrient : près de 75% des Européens ayant accompli une thèse de doctorat aux ?tats-Unis préfère rester aux ?tats-Unis après leur thèse plut?t que de revenir travailler en Europe. Et plus grave encore: cette proportion s'accro?t d'année en année, puisqu'elle n'était encore que de 50% il y a dix ans!
Le 6 ème Programme-cadre de l l'Union européenne a mis en ?uvre des actions qui doivent aider à contrer cette tendance, comme l'offre de "bourses de retour" aux chercheurs qui ont quitté leur pays et le quasi doublement du budget consacré à la mobilité et à la formation des chercheurs.
Dans ce contexte, les universités sont bien s?r un élément incontournable de l'économie de la connaissance. Non seulement elles sont responsables de la production de ressources humaines hautement qualifiées, mais elles génèrent également les nouvelles connaissances scientifiques qui seront les innovations de demain.
On peut s'interroger, toutefois, sur le modèle sur lequel l'université du 21ème siècle devra fonctionner. ?tant donné le rythme élevé du progrès scientifique et technique et la mobilité accrue des ressources humaines scientifiques, l'université du futur se devrait peut-être de se spécialiser dans une série limitée de domaines scientifiques, et de concentrer ainsi ses compétences afin d'avoir davantage d'impact sur le monde scientifique et la société au sens large.
Une analyse des domaines de publications et de la qualité scientifique semble indiquer l'émergence de deux types de stratégies parmi les universités européennes. D'une part, certaines grandes universités cherchent à établir une solide présence dans la quasi totalité des disciplines scientifiques, avec une production très importante de publications et de bonnes performances en matière d'impact. D'autres universités optent par contre pour une stratégie de spécialisation beaucoup plus poussée et sont très actives dans un nombre limité de domaines. Elles ont un nombre plus restreint de publications mais ont souvent d'excellents impacts (nettement supérieurs à la moyenne mondiale).
La connaissance de ces phénomènes de spécialisation est d'une grande importance pour la gestion de l''Espace Européen de la Recherche', car elle permettra d'y développer des synergies beaucoup plus efficaces entre universités et pays en matière de recherche scientifique. Les programmes européens de financement de la recherche sont con?us pour mieux tenir compte des besoins des meilleures universités et centres de recherche.
En prolongement de l'excellence scientifique, il reste bien s?r crucial que le tissu industriel exploite au maximum les nouvelles connaissances et les transforme en innovations susceptibles de générer croissance économique et nouveaux emplois. Dans ce contexte, il est important de bien se positionner en ce qui concerne l'exploitation commerciale de nouvelles technologies. L'Europe accuse par exemple un retard dans les technologies de l'information et la communication (TIC), ce qui se reflète d'ailleurs très clairement dans la dégradation de notre balance commerciale en produits à haute technologie. Les investissements dans la recherche et les nouvelles technologies sont rentables par le biais du solde commercial. Il ne faut donc pas que nous nous fassions distancier dans d'autres domaines technologiques clés, tels que les biotechnologies ou les nanotechnologies. Dans ces deux domaines, l'Union européenne dénote, en comparaison des concurrents principaux, de bonnes performances scientifiques. Les pays européens, toutefois, n'ont pas encore réussi à profiter pleinement de ces performances et à les traduire par une position forte sur les marchés. Ceci est surtout le cas en ce qui concerne la biotechnologie. Le transparent projeté ici compare les performances de l'Union européenne avec les ?tats-Unis en matière de publications scientifiques et de brevets pour les biotechnologies et les nanotechnologies. Il montre que la situation est relativement que favorable aux pays européens dans le chef des nanotechnologies qu'en biotechnologie.
L'importance de ces nouvelles technologies va bien s?r bien loin au-delà des aspects purement scientifiques ou techniques. Ces secteurs représentent un potentiel économique énorme car ils entra?nent dans leur sillage de nombreux autres pans de l'économie: la biotechnologie crée de nouvelles applications dans l'agriculture, le secteur pharmaceutique et médical, les nanotechnologies interfèrent profondément avec l'industrie informatique, … Ces secteurs sont générateurs de croissance économique et emploi.
En d'autres termes, si l'Europe veut se placer en bonne position dans l'économie de la connaissance de demain, il est indispensable de s'assurer dès aujourd'hui une position concurrentielle dans ces domaines.
Atteindre cet objectif nécessite en principal de stimuler le réinvestissement dans la recherche. Or, comme vous le savez, l'Union européenne et ses ?tats Membres investissent nettement moins dans la recherche que leurs principaux concurrents, les ?tats-Unis et le Japon. En 2000, les ?tats-Unis ont investi 121 milliards d'euros en plus que les pays de l'UE, et cet écart continue à se creuser de manière dramatique. Nous savons par ailleurs que l'essentiel de cette différence provient du faible niveau d'investissements en provenance du secteur privé: ce dernier ne représente en Europe que la moitié du financement de la recherche, contre plus des deux tiers aux ?tats-Unis et au Japon.
Maintenant que nous avons le constat, passons à l'action. Le sommet européen de Barcelone de mars 2002 a décidé d'accro?tre le niveau d'investissement dans la recherche pour atteindre 3% du PIB en l'an 2010, tout en augmentant la contribution du secteur privé. Ceci requiert une action coordonnée aux niveaux européen, national et régional pour rendre l'Europe plus attrayante pour les investissements des entreprises dans la recherche. L'accès au financement, une meilleure réglementation, les ressources humaines, les droits de propriété intellectuelle, les politiques fiscales et d'autres incitations doivent être soigneusement adaptés aux besoins de la recherche. La Commission a déjà lancé une large consultation des parties prenantes afin de déterminer une série d'actions ciblées. Sur cette base, la Commission présentera très prochainement un plan d'action ambitieux avec des initiatives européennes et des recommandations aux Etats membres.
Ce que je viens de vous exposer nous montre à foison que nous avons encore de nombreux défis en matière de recherche en Europe, et, de manière plus large, afin d'améliorer la compétitivité de nos économies.
Ce rapport montre où doivent se porter en priorité nos efforts. Il donne des messages clairs aux décideurs, qui peuvent sur cette base soutenir, renforcer et réorienter si nécessaire les politiques de la recherche. Le 6ème Programme-Cadre et nos actions en faveur d'une approche cohérente et coordonnée des politiques de recherche contribuent à cet exercice collectif et essentiel pour la compétitivité européenne.
DN: Date: 17/03/2003