European Business Summit 2004

Mesdames, Messieurs,

L'¨¦nergie est au m¨ºme titre que l'eau ou les technologies de l'information, un bien vital de la soci¨¦t¨¦ d'aujourd'hui. On a tendance ¨¤ l'oublier, surtout quand l'¨¦nergie est relativement abondante et bon march¨¦.

L'¨¦nergie est aussi une grande source de richesse et un important secteur d'activit¨¦ industrielle tant sur le plan global (p¨¦trole) que r¨¦gional (production et distribution d'¨¦lectricit¨¦ et de gaz).

L'¨¦nergie n'est pas un bien de consommation banalis¨¦. Des enjeux important y sont attach¨¦s: s¨¦curit¨¦ d'approvisionnement, comp¨¦titivit¨¦, service public et protection de l'environnement.

De plus, l'¨¦nergie est au c?ur de certaines tensions g¨¦opolitiques dont la r¨¦cente guerre en Irak en a ¨¦t¨¦ une preuve marquante.

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L'¨¦nergie, tant par sa production que par sa consommation, provoque aussi des " co?ts externes " c'est-¨¤-dire des dommages, notamment sur la sant¨¦ humaine et sur l'environnement, qui ne sont pas encore assez pris en consid¨¦ration par le march¨¦.

Pour toutes ces raisons, et dans une perspective de D¨¦veloppement Durable, il est important que l'industrie et les pouvoirs publics agissent de concert afin de pr¨¦parer les options ¨¦nerg¨¦tiques du futur.

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Mon expos¨¦ se r¨¦sumera ¨¤ trois points:

Les perspectives mondiales dans le domaine ¨¦nerg¨¦tique ¨¤ moyen et long terme (2030);

Les politiques et mesures ¨¤ mettre en ?uvre ¨¤ br¨¨ve ¨¦ch¨¦ance;

Les solutions ¨¦nerg¨¦tiques et environnementales d'avenir.

1.  Qu'est ce qui nous attend sur le plan ¨¦nerg¨¦tique?

D'apr¨¨s l'¨¦tude WETO (World Energy, Technology and climate policy Outlook) publi¨¦e par la Commission, la population mondiale devrait passer de 6 milliards ¨¤ plus de 8 milliards en 2030.

Dans le m¨ºme temps, la demande ¨¦nerg¨¦tique mondiale (1,8% de croissance annuelle) devrait quasiment doubler pour passer de 10 ¨¤ 18 milliards de tonnes ¨¦quivalent p¨¦trole.

Dans les pays industrialis¨¦s, la croissance de la demande ¨¦nerg¨¦tique ralentit, mais elle cro?t rapidement dans les pays en d¨¦veloppement.

En 2030, plus de la moiti¨¦ de la demande ¨¦nerg¨¦tique mondiale ¨¦manera des pays en d¨¦veloppement, contre 40% aujourd'hui. La production d'¨¦lectricit¨¦ sera multipli¨¦e par un facteur quatre dans des pays comme la Chine et l'Inde qui, ensemble, passeront de 3000 ¨¤ 12000 TWh, soit pr¨¨s de deux fois plus que les Etats-Unis.

Autant dire que l'avenir mondial s'annonce " ¨¦nergivore ".

La domination des combustibles fossiles (90% des besoins ¨¦nerg¨¦tiques en 2030) se fera sentir:

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• La production mondiale de p¨¦trole, surtout en provenance du Moyen-Orient, atteindra quelque 120 M de barils par jour en 2030.

• La production de charbon devrait doubler en trente ans, l'essentiel de la croissance se situant en Asie et en Afrique.

• La Russie occupera une place pr¨¦pond¨¦rante dans le contexte de la " ru¨¦e sur le gaz ", combustible toujours plus utilis¨¦ pour la production d'¨¦lectricit¨¦ (19% aujourd'hui et 28% en 2030).

Un point sur les investissements n¨¦cessaires dans le domaine ¨¦nerg¨¦tique m¨¦rite d'¨ºtre soulign¨¦. Dans son World Energy Investment Outlook, l'Agence Internationale de l'Energie rel¨¨ve des chiffres impressionnants.

Pour d¨¦velopper et renouveler les infrastructures ¨¦nerg¨¦tiques au cours des trente prochaines ann¨¦es, l'Agence parle d'un investissement colossal de l'ordre de $ 16.000 milliards au niveau mondial. Deux tiers des investissements seront n¨¦cessaires au seul secteur de l'¨¦lectricit¨¦.

Pour l'Union europ¨¦enne, d'apr¨¨s ce rapport, plus de 500 milliards de dollars d'investissement seront n¨¦cessaires d'ici ¨¤ 2030 pour la seule production d'¨¦lectricit¨¦.

2.  Que devons nous faire rapidement ?

Si de nombreux d¨¦fis nous attendent pour le long terme sur le plan mondial, nous pouvons d¨¨s ¨¤ pr¨¦sent agir en Europe.

Tout d'abord, il faut intensifier les efforts de recherche. L'ERA (Espace Europ¨¦en de la Recherche) et son " bras op¨¦rationnel ", le 6¨¨me Programme Cadre de RDT, commencent d¨¦j¨¤ ¨¤ donner leurs fruits. La recherche europ¨¦enne commence ¨¤ mieux s'int¨¦grer en grande partie gr?ce ¨¤ la mise en place des nouveaux instruments que sont les grands Projets Int¨¦gr¨¦s et les R¨¦seaux d'Excellence.

Il faut cependant aller plus loin. J'insiste notamment sur une plus grande coordination des actions nationales et sur une augmentation substantielle des d¨¦penses de R&D afin d'atteindre l'objectif de Barcelone (3% du PIB d¨¦di¨¦ ¨¤ la R&D en 2010).

Les orientations financi¨¨res pr¨¦sent¨¦es r¨¦cemment par la Commission pour la p¨¦riode 2007-2013 abondent dans mon sens. Il est en effet propos¨¦ que l'on double les moyens financiers mis ¨¤ disposition de la recherche sur le plan europ¨¦en.

Dans le domaine sp¨¦cifique de l'¨¦nergie, la recherche europ¨¦enne doit aider ¨¤ diversifier les sources d'¨¦nergie, ma?triser la demande ¨¦nerg¨¦tique et promouvoir les ¨¦cotechnologies.

Diversifier les sources d'¨¦nergie.

Notre souci doit ¨ºtre de promouvoir de fa?on ¨¦quilibr¨¦e les diff¨¦rentes sources d'¨¦nergie. Pouvons-nous continuer ¨¤ ¨ºtre tellement d¨¦pendant des combustibles fossiles?

La question touche des aspects environnementaux mais aussi ¨¦conomiques et sociaux. Il suffit de penser aux cons¨¦quences, parfois tr¨¨s dommageables, de la volatilit¨¦ des prix du p¨¦trole et du gaz naturel.

Dans cette perspective, j'insiste pour que l'¨¦nergie nucl¨¦aire - qui fournit 35% des besoins en ¨¦lectricit¨¦ en Europe - fasse l'objet d'un d¨¦bat raisonn¨¦. Elle comporte des inconv¨¦nients mais aussi des avantages notamment pour notre ind¨¦pendance ¨¦nerg¨¦tique et pour la limitation des gaz ¨¤ effet de serre.

Ma?triser la demande ¨¦nerg¨¦tique.

La meilleure source d'¨¦nergie est celle que nous ne consommons pas. Les ¨¦conomies d'¨¦nergie doivent s'imposer ¨¤ tous. Il faut parfois faire des efforts afin d'atteindre des objectifs ambitieux en mati¨¨re de performance environnementale.

Mais il est certain que des mesures " proches du consommateur " comme les labels de consommation d'¨¦nergie ou l'efficacit¨¦ ¨¦nerg¨¦tique dans les b?timents doivent ¨ºtre poursuivies et intensifi¨¦es.

La recherche sur les sources d¨¦centralis¨¦es d'¨¦nergie et la transformation du r¨¦seau pour faciliter leur p¨¦n¨¦tration va ¨¦galement dans ce sens. Il faut aussi exploiter l'¨¦norme potentiel d'¨¦conomies d'¨¦nergie qui existe dans les futurs Etats Membres.

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Promouvoir les ¨¦cotechnologies .

Notre r¨¦cent plan d'action " ETAP " (Environmental Technology Action Plan) vise ¨¤ stimuler les ¨¦cotechnologies au profit de l'innovation. L'id¨¦e que nous soutenons est qu'il est possible en m¨ºme temps de prot¨¦ger l'environnement et d'am¨¦liorer la comp¨¦titivit¨¦.

L'exemple de l'¨¦nergie ¨¦olienne est tr¨¨s parlant. En quelques ann¨¦es, l'industrie europ¨¦enne est devenue le leader mondial dans ce domaine. Elle d¨¦tient aujourd'hui 90% du march¨¦. Gr?ce ¨¤ diff¨¦rentes politiques, notamment la recherche europ¨¦enne et la subsidiation nationale, on peut inciter l'¨¦mergence de nouvelles fili¨¨res industrielles.

3.  Quelles options ¨¦nerg¨¦tiques devons-nous stimuler ?

L'¨¦nergie n'est pas un domaine " r¨¦volutionnaire ". Un chiffre est ¨¦clairant: le secteur des b?timents qui consomme 40% de l'¨¦nergie en Europe aurait besoin de 100 ans afin d'¨ºtre compl¨¨tement modifi¨¦.

Bref, dans le domaine de l'¨¦nergie, les avanc¨¦es se font pas ¨¤ pas et les investissements sont consid¨¦rables.

Parmi les options ¨¦nerg¨¦tiques qui permettront un d¨¦veloppement durable aux g¨¦n¨¦rations futures, la recherche publique europ¨¦enne soutient les ¨¦nergies renouvelables, la capture et le stockage de CO2, l'hydrog¨¨ne et les piles ¨¤ combustible, la fission nucl¨¦aire et la fusion.

Les ¨¦nergies renouvelables .

L'¨¦olien est aujourd'hui un exemple de succ¨¨s europ¨¦en (25000 MW install¨¦s dans l'UE). La g¨¦othermie offre un avantage consid¨¦rable en tant que source renouvelable non intermittente. L'hydraulique demeure de loin la plus importante ¨¦nergie renouvelable pour l'¨¦lectricit¨¦

Mais, c'est toutefois la biomasse et le photovolta?que qui m¨¦ritent toute l'attention des chercheurs.

La biomasse a un tr¨¨s grand potentiel en Europe, y compris dans les nouveaux Etats membres. Elle peut ¨ºtre utilis¨¦e dans les transports (biocarburants) et pour la production de chaleur.

Le photovolta?que, seul processus ¨¦lectrique sans mouvement m¨¦canique, doit faire face ¨¤ un co?t encore pr¨¨s de dix fois plus ¨¦lev¨¦ que l'¨¦lectricit¨¦ conventionnelle (+/- 30-40 centimes d'euro par Kw/h).

Dans ce contexte, nous misons beaucoup sur la plate-forme technologique nouvellement cr¨¦e et qui implique les plus grands acteurs concern¨¦s. Il ne faut pas oublier que d'autres renouvelables comme le solaire et les technologies marines.

La capture et le stockage de CO2.

Si l'on tient compte des d¨¦veloppements ¨¦nerg¨¦tiques attendus - et notamment la place importante que pourrait garder le charbon dans la production d'¨¦lectricit¨¦ (en Chine et en Inde mais aussi aux Etats-Unis et en Europe), le pi¨¦geage de carbone est certainement une approche prometteuse afin de r¨¦duire les ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre (Kyoto et au-del¨¤).

La Commission - qui participe au Carbon Sequestration Leadership Forum - vise ¨¤ r¨¦duire les co?ts de capture du CO2 qui oscillent aujourd'hui entre 50-70 euros la tonne de CO2 pour atteindre 20-30 euros la tonne de CO2.

L'hydrog¨¨ne et les piles ¨¤ combustible.

Les piles ¨¤ combustibles ouvrent des voies prometteuses ¨¤ une utilisation plus propre et efficace de nos ressources ¨¦nerg¨¦tiques.

L'hydrog¨¨ne, comme l'¨¦lectricit¨¦, est potentiellement un vecteur ¨¦nerg¨¦tique universel. Il doit franchir des barri¨¨res importantes relatives ¨¤ sa production, ¨¤ son transport, ¨¤ son stockage et ¨¤ sa transformation. Il faut aussi rappeler les questions de s¨¦curit¨¦ et de standardisation ainsi que le co?t de l'infrastructure qui doivent ¨ºtre r¨¦solues.

Mais comme l'a soulign¨¦ le Groupe de haut niveau qui a analys¨¦ cette question ¨¤ la demande de la Commission, il semble possible d'aboutir vers 2050 ¨¤ une v¨¦ritable ¨¦conomie de l'hydrog¨¨ne. Sous l'impulsion du Pr¨¦sident Prodi et avec ma coll¨¨gue Loyola de Palacio, nous avons lanc¨¦ le " Partenariat Europ¨¦en pour une Economie de l'Hydrog¨¨ne "

Tr¨¨s concr¨¨tement, une plateforme technologique a d¨¦j¨¤ ¨¦t¨¦ mise en place et nous disposerons bient?t d'un agenda de recherche et d'une v¨¦ritable strat¨¦gie de d¨¦ploiement de l'hydrog¨¨ne (partenariat public-priv¨¦ et coop¨¦ration avec la Banque Europ¨¦enne de l'Investissement).

La fission nucl¨¦aire.

Importante source d'¨¦nergie en Europe, l'¨¦nergie nucl¨¦aire pr¨¦sente l'avantage de produire tr¨¨s peu d'¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre. Mais elle g¨¦n¨¨re des d¨¦chets radioactifs dont les dangers potentiels suscitent l'opposition d'une partie de l'opinion publique.

Il faut donc s'attaquer ¨¤ ce probl¨¨me majeur qui est l'un des th¨¨mes de la recherche sur l'¨¦nergie financ¨¦ par l'Union europ¨¦enne. Pour les d¨¦chets hautement radioactifs, il semble d¨¦sormais techniquement acquis que leur ¨¦vacuation d¨¦finitive en formations g¨¦ologiques profondes peut ¨ºtre appliqu¨¦e de fa?on s?re. Des d¨¦cisions politiques autorisant un stockage souterrain de d¨¦chets hautement radioactifs ont ¨¦t¨¦ prises en Finlande et en Su¨¨de.

La fusion nucl¨¦aire.

Il s'agit d'une des options ¨¦nerg¨¦tique cl¨¦ dont le projet de construction d'ITER, exp¨¦rimentation internationale de recherche sur la fusion constitue la pierre angulaire. ITER n¨¦cessitera un budget de 10 milliards d'euros pour l'ensemble de sa dur¨¦e de vie pr¨¦vue 35 ans (incluant construction, op¨¦ration, d¨¦sactivation et d¨¦mant¨¨lement).

L'UE a jou¨¦ un r?le d¨¦terminant dans la conception du projet. Elle propose de financer une part significative de sa r¨¦alisation si celle-ci a lieu en Europe.

ITER sera la prochaine ¨¦tape vers la production d'¨¦nergie de fusion avec toutes les qualit¨¦s intrins¨¨ques d'un r¨¦acteur produisant de l'¨¦nergie sur ce principe: s?ret¨¦, absence de gaz ¨¤ effet de serre, faible radiotoxicit¨¦ et aucun ¨¦l¨¦ment radioactif de longue dur¨¦e. Ce type de r¨¦acteur pourrait fournir de l'¨¦lectricit¨¦ de base, particuli¨¨rement utile afin de garantir la s¨¦curit¨¦ d'alimentation des grandes agglom¨¦rations.

Conclusions

Comme vous le voyez, les chercheurs ont du pain sur la planche afin de d¨¦velopper au mieux les options ¨¦nerg¨¦tiques de l'avenir.

Une chose est s?re: demain, pour assurer sa croissance, l'Europe aura encore besoin d'¨¦nergie. Celle-ci devra ¨ºtre fournie au co?t le plus bas possible afin de r¨¦pondre ¨¤ l'imp¨¦ratif de comp¨¦titivit¨¦ europ¨¦enne. Mais, en m¨ºme temps, l'¨¦nergie de l'avenir devra ¨ºtre plus propre qu'aujourd'hui.

Je terminerai en vous disant qu'aucune forme d'¨¦nergie ne peut survivre si elle n'est pas accept¨¦e par le public.

Il suffit de penser aux d¨¦bats, souvent houleux, qui existent dans certaines r¨¦gions ou certains pays lors de l'installation de nouvelles lignes ¨¦lectriques ou de construction de nouvelles centrales.

Un syst¨¨me ¨¦nerg¨¦tique durable doit ¨ºtre fiable, ¨¦conomique, respectueux de l'environnement et bien accept¨¦ par la soci¨¦t¨¦. En un mot, ¨¤ croissance durable, il faut une ¨¦nergie durable. Et c'est ¨¤ cela que s'attelle la recherche europ¨¦enne.

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DN: Date: 11/03/2004