Lisbonne, 31 mai 2004

Monsieur le Pr¨¦sident de la R¨¦publique, Mesdames et Messieurs,

C¡¯est un grand plaisir et un honneur pour moi d¡¯¨ºtre parmi vous aujourd¡¯hui.

Le titre m¨ºme de cette conf¨¦rence ? Priorit¨¦ ¨¤ la science ? ne peut que me r¨¦jouir : tout au long de mon mandat de commissaire europ¨¦en responsable de la recherche, je me suis efforc¨¦ de faire de la recherche et de la science une priorit¨¦ europ¨¦enne. Et je crois ¨ºtre parvenu en effet ¨¤ faire ¨¦merger une v¨¦ritable politique de la recherche et du d¨¦veloppement scientifique. Cela est, j¡¯en suis convaincu, vital pour l¡¯avenir de l¡¯Europe.

³¢¡¯±ð²ÔÂá±ð³Ü&²¹³¾±è;²Ô²ú²õ±è;

La place de la science 

Jamais en effet la vie quotidienne des hommes n¡¯a ¨¦t¨¦ ¨¤ ce point influenc¨¦e par la science et la technique. Les r¨¦sultats sont ¨¤ l¡¯aune de cette formidable expansion, d¡¯un point de vue qualitatif tout autant que quantitatif : am¨¦lioration du confort g¨¦n¨¦ral, augmentation de l¡¯esp¨¦rance de vie moyenne, acc¨¨s plus ais¨¦ aux connaissances.

ÁñÁ«ÊÓƵ

Tout ceci s¡¯est traduit par une augmentation de la qualit¨¦ de la vie observ¨¦e depuis le d¨¦but du si¨¨cle.

Le d¨¦fi ¨¤ relever :

Mais ce r?le cl¨¦ jou¨¦ par la science dans nos vies repr¨¦sente aussi un d¨¦fi colossal : car celui qui ne suit pas le rythme de la course ¨¤ l¡¯innovation prend le risque de ne pas survivre.

ÁñÁ«ÊÓƵ

De ce point de vue, nous, Europ¨¦ens, sommes ¨¤ un tournant. Malgr¨¦ son bon niveau scientifique, incontestable, l¡¯Europe a une croissance plus faible que les Etats-Unis car sa productivit¨¦ reste plus faible.

Pourquoi ? Nous savons que la productivit¨¦ est directement li¨¦e ¨¤ la recherche scientifique et ¨¤ l¡¯innovation. C¡¯est donc l¡¯¨¦tat de nos connaissances et ce que nous en faisons qui fait la diff¨¦rence entre, notamment, l¡¯Europe et les Etats-Unis sur l¡¯¨¦chiquier mondial.

Faire le constat que le seul atout de l¡¯Europe ce sont ses neurones, c¡¯est comprendre que, en effet, priorit¨¦ doit imp¨¦rativement ¨ºtre donn¨¦e ¨¤ la recherche et ¨¤ la science, que ce soit au niveau national ou ¨¤ l¡¯¨¦chelle europ¨¦enne !

C¡¯est ¨¤ ce prix seulement que nous serons sur la voie d¡¯atteindre l¡¯objectif fix¨¦ en mars 2000 ici m¨ºme, ¨¤ Lisbonne, par le Conseil Europ¨¦en :

?Faire de l¡¯Europe l¡¯¨¦conomie la plus comp¨¦titive et la plus dynamique du monde d¡¯ici 2010 ?.

Pourquoi sommes nous ¨¤ la tra?ne ?

Car nous le sommes.

Pourtant, me direz-vous, nous pouvons l¨¦gitimement ¨ºtre fiers de nos chercheurs. Ils sont r¨¦put¨¦s dans le monde entier et sont tr¨¨s demand¨¦s, notamment par les laboratoires am¨¦ricains. Et, contrairement ¨¤ ce qui se dit parfois, nous avons sur le sol europ¨¦en plus de jeunes form¨¦s ¨¤ la recherche qu¡¯aux Etats-Unis.

Mais notre ? vieille ? Europe, dans cette course au progr¨¨s scientifique, supporte le poids de trois handicaps structurels importants, sur lesquels nous travaillons et pour lesquels il faut imp¨¦rativement amplifier nos efforts :

Les moyens financiers de notre recherche 

Je vais reprendre la comparaison avec les Etats-Unis : le foss¨¦ entre l¡¯Union europ¨¦enne et les Etats-Unis pour les investissements R&D n¡¯a cess¨¦ de cro?tre depuis le milieu des ann¨¦es 1990 et a atteint 130 milliards d¡¯euros en 2002.

ÁñÁ«ÊÓƵ

Ce que nous faisons de notre recherche 

Nous avons encore des difficult¨¦s ¨¤ transformer la recherche en innovation, moteur puissant de la productivit¨¦ et donc de la croissance.

Notre syst¨¨me fragment¨¦

Cette Europe, au contraire des Etats-Unis, est constitu¨¦ d¡¯¨¦tats qui ont chacun leur tradition scientifique, leurs priorit¨¦s, leur langue, leur politique d¡¯investissement. Les march¨¦s nationaux sont encore trop cloisonn¨¦s, nos efforts de recherche trop fragment¨¦s.

Je suis convaincu que tant que nous n¡¯aurons pas constitu¨¦ un v¨¦ritable march¨¦ europ¨¦en de la recherche et de l¡¯innovation, nous n¡¯atteindrons pas un seuil de rentabilit¨¦ satisfaisant de nos investissements en R&D.

La r¨¦ponse : une politique de la recherche europ¨¦enne

Les 3%

L¡¯insuffisant investissement en R&D avait amen¨¦ le conseil europ¨¦en de Barcelone, en mars 2002, ¨¤ fixer un objectif plus ambitieux ¨¤ l¡¯Europe :

? Porter l¡¯investissement total en R&D en Europe ¨¤ 3% du PIB en 2010, deux tiers devant ¨ºtre financ¨¦ par le secteur priv¨¦ ?.

Cet objectif reste d¡¯actualit¨¦. Une r¨¦cente ¨¦tude a permis d¡¯estimer qu¡¯un tel accroissement de l¡¯investissement en R&D permettrait :

ÁñÁ«ÊÓƵ

• Jusqu¡¯en 2010 : une relance de l¡¯¨¦conomie europ¨¦enne, avec une croissance de l¡¯emploi de 1,4% et un revenu disponible r¨¦el de 3% de plus que si l¡¯investissement en R&D continuait d¡¯¨¦voluer suivant la tendance actuelle
• entre 2010 et 2030, l¡¯Europe entrerait dans une phase de croissance avec une augmentation de 5% pour l¡¯emploi et de 12% du PIB. L¡¯Europe cr¨¦erait 10 millions d¡¯emplois de plus sur la p¨¦riode dont 3 millions dans la recherche.

Des efforts ont ¨¦t¨¦ faits pour accro?tre l¡¯investissement en R&D au niveau national, mais je regrette de constater que nous sommes encore loin des 3% indispensables. C¡¯est pourtant un fondement essentiel de ce que nous voulons construire.

De nouveaux instruments pour atteindre l¡¯excellence.

Au niveau de la politique europ¨¦enne de la recherche, la priorit¨¦ est et reste la r¨¦alisation de l¡¯Espace europ¨¦en de la Recherche : notre ambition est de rassembler les forces vives de la recherche europ¨¦enne pour en finir avec la fragmentation des efforts de nos chercheurs.

Pour acc¨¦lerer ce mouvement de structuration, nous avons mis en place de nouveaux instruments dans le cadre du 6¨¨me programme cadre de recherche europ¨¦en.

Le 11 mai ¨¤ Bruxelles, nous avons d¡¯ailleurs annonc¨¦ le lancement de 200 de ces projets bas¨¦s sur les nouveaux instruments.

C¡¯est un succ¨¨s qui nous encourage ¨¤ croire qu¡¯il s¡¯agit non seulement d¡¯une n¨¦cessit¨¦ politique mais que cela r¨¦pond aussi ¨¤ un besoin des ¨¦quipes de recherche.

Ces nouveaux instruments sont :

• Les projets int¨¦gr¨¦s.
• Les r¨¦seaux d¡¯excellence.

2 exemples

GA2LEN : un r¨¦seau d¡¯excellence contre les allergies

• Les ph¨¦nom¨¨nes d¡¯allergie et d¡¯asthme se d¨¦veloppent en Europe de mani¨¨re tr¨¨s pr¨¦occupante, et touchent particuli¨¨rement les enfants, puisqu¡¯un enfant sur quatre est allergique.
• Le projet Ga2LEN ne rassemblent pas moins de 25 organisations de recherche, et avec un soutien financier du 6¨¨me programme cadre de 14.4 millions d¡¯euros sur 5 ans, a pour ambition d¡¯int¨¦grer toutes les donn¨¦es des diff¨¦rents organismes de recherche pour les analyser et pour structurer les efforts de recherche.

SEAFOOD PLUS : un projet int¨¦gr¨¦ pour des aliments de la mer plus sains.

• C¡¯est un projet rassemblant 70 partenaires provenant de 16 pays europ¨¦ens.
• C¡¯est le plus gros projet de recherche que l¡¯UE a jamais financ¨¦ dans le secteur des produits de la mer, avec une aide de 14,4 millions d¡¯euros sur 4 ans.
• Il rassemble chercheurs en nutrition et en m¨¦decine, en s¨¦curit¨¦ alimentaire et en consommation et technologies alimentaires, bref, tous les intervenants depuis la p¨ºche du produit de la mer jusqu¡¯¨¤ l¡¯arriv¨¦e de ce produit dans l¡¯assiette du consommateur.

Vous le voyez, ces nouveaux instruments du programme cadre permettent de passer ¨¤ une ¨¦chelle sup¨¦rieure de la recherche.

Mais, et j¡¯aborde ici maintenant l¡¯avenir de la recherche, nous devons ¨¤ pr¨¦sent effectuer un saut qualitatif et quantitatif majeur pour assurer l¡¯avenir.

Les orientations futures de la recherche 

Tr¨¨s bient?t, des orientations pour l¡¯avenir de la recherche europ¨¦enne seront pr¨¦sent¨¦es par la Commission europ¨¦enne, orientations qui d¨¦termineront la pr¨¦paration du 7¨¨me programme cadre.

Cette r¨¦flexion s¡¯inscrit dans un cadre qui nous autorise ¨¤ concevoir l¡¯avenir avec l¡¯ambition n¨¦cessaire puisqu¡¯en f¨¦vrier 2004, comme vous le savez, la Commission a propos¨¦ pour les ann¨¦es 2006-2013 de doubler le budget allou¨¦ par l¡¯Union ¨¤ la recherche.

L¡¯objectif prioritaire : assurer l¡¯excellence scientifique et technologique de l¡¯Europe .

Nous voulons :

• donner aux acteurs de la recherche plus d¡¯autonomie
• stimuler la concurrence entre ¨¦quipes de recherche,
• renforcer le lien avec les programmes nationaux
• mobiliser des volumes importants de financement.

Les d¨¦tails :

Disposer d¡¯une force de frappe financi¨¨re

Nous savons bien que le nerf de la guerre, c¡¯est le levier financier sur lequel peuvent s¡¯appuyer nos laboratoires et nos chercheurs. Certes, le budget du programme-cadre n¡¯a cess¨¦ de cro?tre.

Mais le co?t des ¨¦quipements et du d¨¦veloppement des technologies ¨¦volue lui aussi sans cesse dans un sens exponentiel :

• en 20 ans, le co?t de recherche et d¨¦veloppement d¡¯un m¨¦dicament a ¨¦t¨¦ multipli¨¦ par 5 .
• celui d¡¯un nouveau composant micro¨¦lectronique par 10

Nous devons donc r¨¦ajuster nos investissements en permanence pour y faire face.

C¡¯est la raison pour laquelle, outre le doublement de la dotation r¨¦serv¨¦e ¨¤ la recherche, il nous faudra imaginer des m¨¦canismes d¡¯ing¨¦nierie financi¨¨re s¡¯appuyant sur les pr¨ºts des banques internationales et nationales.

• 40 milliards d¡¯euros sont pr¨¦vus par la BEI de 2004 ¨¤ 2010 pour la recherche.
• il faudra probablement cr¨¦er des synergies financi¨¨res compl¨¦mentaires, de mani¨¨re ¨¤ optimiser les moyens donn¨¦s ¨¤ nos chercheurs.

Six enjeux structurels

Mais le levier financier n¡¯est pas tout, il ne s¡¯agit pas d¡¯investir pour investir. Cet argent doit ¨ºtre inject¨¦ dans une recherche dont la structure, les dimensions et les domaines prioritaires sont correctement ¨¦valu¨¦s et organis¨¦s.

• D¡¯abord stimuler la concurrence entre les ¨¦quipes de recherche. Car pour atteindre l¡¯excellence, rien de tel que l¡¯¨¦mulation qui na?t de la comp¨¦tition. La cr¨¦ation d¡¯une Agence europ¨¦enne de la Recherche devrait rassembler d¡¯importants scientifiques qui pourront ¨¦tudier les diverses propositions de recherche fondamentale en comp¨¦tition.
• Ensuite d¨¦gager des perspectives de recherche partag¨¦e par les acteurs publics et priv¨¦s.
• D¨¦velopper les infrastructures de recherche, de dimension ou d¡¯int¨¦r¨ºt europ¨¦en.
• Autre enjeu structurel, renforcer les ressources humaines :

Je suis convaincu que le facteur humain est un facteur cl¨¦ que nous ne devons surtout pas sous-estimer.

• Avec mon ami ici pr¨¦sent le professeur Gago, j¡¯ai d¡¯ailleurs cr¨¦¨¦ en mai 2003 un groupe de r¨¦flexion sur ce th¨¨me afin d¡¯¨¦tudier comment assurer le renouvellement des g¨¦n¨¦rations de chercheurs. Ce groupe a pr¨¦sent¨¦ ses recommandations en avril 2004, qui vont tout ¨¤ fait dans le sens d¡¯une plus grande prise en compte de cet aspect au niveau national comme au niveau europ¨¦en, que ce soit pour am¨¦liorer l¡¯¨¦ducation scientifique ¨¤ l¡¯¨¦cole ou pour rendre plus attractives les carri¨¨res scientifiques aux ¨¦tudiants.
• Par ailleurs, j¡¯ai pr¨¦sent¨¦ au Conseil Comp¨¦titivit¨¦ le 18 mai un projet de directive visant ¨¤ faciliter l¡¯admission des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique dans l¡¯Union europ¨¦enne. Car il ne s¡¯agit pas seulement de former d¡¯excellents scientifiques europ¨¦ens mais aussi d¡¯attirer les meilleurs chercheurs du monde dans nos laboratoires.
• Nous devons aussi poursuivre dans les sens de la collaboration transnationale entre entreprises, laboratoires et centres de recherche.
• Enfin, pour r¨¦aliser l¡¯Espace europ¨¦en de la Recherche, il faudra renforcer la coordination des programmes nationaux et r¨¦gionaux.

A ces enjeux structurels pour l¡¯avenir, j¡¯aimerais ajouter enfin quatre dimensions cl¨¦s qui doivent ¨ºtre int¨¦gr¨¦s dans les orientations pour le futur.

• Accro?tre le rayonnement scientifique international de l¡¯Europe.

Les exemples du r?le jou¨¦ par nos chercheurs dans le domaine de la fusion nucl¨¦aire et le projet international ITER, les r¨¦alisations de l¡¯Europe spatiale, et les projets d¡¯envergure comme GALILEO sont autant d¡¯exemples de ce qui est possible lorsqu¡¯une volont¨¦ politique en ce sens se concr¨¦tise.

• Stimuler la recherche par et pour les PME, qui sont, on le r¨¦p¨¨te depuis des ann¨¦es, des cr¨¦atrices d¡¯emplois.
• Encourager l¡¯innovation technologique.

Pour cela, il faut encourager la diffusion et le transfert des connaissances scientifiques dans l¡¯industrie, dans les r¨¦gions.

• Int¨¦grer davantage la recherche dans la soci¨¦t¨¦.

Les d¨¦bats tr¨¨s m¨¦diatis¨¦s de ces derni¨¨res ann¨¦es l¡¯ont bien montr¨¦ : le progr¨¨s scientifique peut faire peur, ¨ºtre mal compris, susciter des r¨¦actions de rejet de la part de la soci¨¦t¨¦. Il est donc essentiel d¡¯agir pour r¨¦pondre ¨¤ cette demande d¡¯information et de dialogue sur les risques pouvant provenir de la science.

En conclusion :

Je reviens ici au titre de cette conf¨¦rence ? Priorit¨¦ ¨¤ la science ?. Je sais que nous sommes ici nombreux ¨¤ ¨ºtre convaincus par cette priorit¨¦.

Mais laissez moi rappeler n¨¦anmoins comme j¡¯ai la profonde conviction que nous ne r¨¦ussirons que si nous nous mobilisons tous pour que la strat¨¦gie ambitieuse en faveur de l¡¯investissement dans la recherche r¨¦ussisse et produise les b¨¦n¨¦fices attendus. Tous, c¡¯est-¨¤-dire pouvoirs publics et chercheurs, mais aussi acteurs priv¨¦s et relais d¡¯information.

Je vous remercie, Monsieur le Pr¨¦sident de la R¨¦publique, Mesdames et Messieurs, pour votre attention.

ÁñÁ«ÊÓƵ

Item source: Date: 31/05/2004 =>=>