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Philippe Busquin: La carri¨¨re du chercheur en Europe, Conf¨¦rence sur la carri¨¨re des chercheurs, Bruxelles, le 16 d¨¦cembre 2002

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December 17, 2002

Bruxelles, le 16 d ¨¦cembre 2002

Madame la Ministre, Monsieur le Pr¨¦sident, Mesdames et Messieurs,

Je voudrais tout d'abord remercier Mme Dupuis d'avoir pris l'initiative de cette conf¨¦rence consacr¨¦e ¨¤ la carri¨¨re des chercheurs. Il s'agit d'une question importante, qui a b¨¦n¨¦fici¨¦ au cours des derniers mois d'une attention croissante au niveau des Minist¨¨res de la Recherche et de la Commission.

Comme vous la savez, la Commission europ¨¦enne vient de lancer son 6¨¨me Programme-cadre de recherche, qui consacre pour la premi¨¨re fois pr¨¨s de 10 % de son budget aux ressources humaines et ¨¤ la mobilit¨¦, soit 1,6 milliards d'€.

Cette augmentation n'est pas fortuite. Elle refl¨¨te une approche nouvelle, bas¨¦e sur une prise en compte r¨¦solue

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  • de la ¨¤ l'¨¦volution de nos soci¨¦t¨¦s, notamment en termes de contribution des chercheurs cr¨¦ation d'emplois et de comp¨¦titivit¨¦

  • de l'importance des ressources humaines de la recherche pour augmenter l'attractivit¨¦ de l'Union europ¨¦enne comme un des p?les mondiaux de la recherche pour les scientifiques de tous les continents

  • du r?le d¨¦terminant de la formation et de la mobilit¨¦ pour la mise en oeuvre de l'Espace europ¨¦en de la Recherche, autrement dit: du march¨¦ unique de la recherche que nous appelons de nos voeux.
Or, quand on parle d'Espace europ¨¦en ou de march¨¦ unique de la recherche aujourd'hui, force est de constater que de tr¨¨s nombreux obstacles entravent encore la libre circulation des chercheurs en Europe.

Ces obstacles sont de nature juridique (non reconnaissance des dipl?mes, diff¨¦rences dans les bar¨¨mes fiscaux ou dans les syst¨¨mes de s¨¦curit¨¦ sociale, probl¨¨mes li¨¦s ¨¤ la transf¨¦rabilit¨¦ des droits en mati¨¨re de pensions etc.), mais ¨¦galement de nature socio-culturelle ( absence de structures d'accueil, dispersion de l'information, probl¨¨mes li¨¦s au retour des chercheurs dans leur universit¨¦ ou leur laboratoire apr¨¨s une p¨¦riode de mobilit¨¦). Ces obstacles expliquent en partie la fuite des cerveaux qui demeure importante dans certains pays et dans certains secteurs.

Face ¨¤ cette situation, la Commission europ¨¦enne, en coop¨¦ration ¨¦troite avec les Etats membres et les pays candidats, a pris un certain nombre d'initiatives urgentes afin d'am¨¦liorer l'environnement des chercheurs en Europe:

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  • Un portail Internet sera lanc¨¦ au printemps 2003 visant ¨¤ donner une information cibl¨¦e sur les l¨¦gislations, les opportunit¨¦s de financement et les vacances d'emploi

  • Un r¨¦seau europ¨¦en de centres de mobilit¨¦ sera ¨¦galement cr¨¦¨¦ au premier semestre de l'ann¨¦e prochaine pour assurer une assistance personnalis¨¦e aux chercheurs et ¨¤ leurs familles.
Ces mesures, bien qu'utiles, ne sont pas suffisantes. D'autres mesures concr¨¨tes doivent en effet ¨ºtre prises pour am¨¦liorer la carri¨¨re des chercheurs en Europe, et pour augmenter leur visibilit¨¦ sociale.

Plusieurs consid¨¦rations doivent ¨ºtre mentionn¨¦es ¨¤ ce propos:

  • Premi¨¨rement, il n'existe pas en Europe de d¨¦finition commune de ce qu'est un chercheur . Cette situation n'est pas le r¨¦sultat d'un manque de convergence au niveau des Etats membres: ¨¤ l'int¨¦rieur-m¨ºme des Etats, des statuts diff¨¦rents r¨¦gissent en effet souvent les chercheurs des secteurs public et priv¨¦. Dans la prise en compte des bar¨¨mes, notamment en mati¨¨re de s¨¦curit¨¦ sociale, les chercheurs sont assimil¨¦s, selon les pays ou les secteurs, tant?t ¨¤ des ¨¦tudiants, tant?t ¨¤ des ind¨¦pendants, tant?t ¨¤ des travailleurs qualifi¨¦s. Cette situation explique ¨¦galement l'absence inqui¨¦tante de statistiques fiables en la mati¨¨re, notamment en termes de flux de mobilit¨¦.

  • Mais au-del¨¤ de ?a, c'est toute la question de la visibilit¨¦ sociale des chercheurs qui se pose. Tout le monde sait en Europe ce qu'est et ce que fait un m¨¦decin, un avocat, un ing¨¦nieur, et tout ce qui entoure cette perception en termes de visibilit¨¦ ou de reconnaissance sociale. Tel n'est pas le cas pour les chercheurs. Je dirais m¨ºme qu'en termes d'image, la vision demeure largement st¨¦r¨¦otyp¨¦e : Une enqu¨ºte de la Commission a r¨¦v¨¦l¨¦, l'ann¨¦e derni¨¨re, la p¨¦rennit¨¦ des clich¨¦s qui entourent la profession (on devrait peut ¨ºtre dire: les professions ) du chercheur ce dernier ¨¦tant souvent per?u comme quelqu'un d'isol¨¦, de solitaire, de confin¨¦ dans l'atmosph¨¨re aust¨¨re d'un laboratoire.
Cette situation explique certainement pour partie le d¨¦couragement croissant de nombreux jeunes chercheurs, particuli¨¨rement en d¨¦but de carri¨¨re, face ¨¤ ce qu'ils per?oivent comme un faible retour sur investissements, en termes de salaires et de perspectives d'emploi.

Cette r¨¦alit¨¦, que la satisfaction intellectuelle procur¨¦e par la recherche scientifique ne parvient plus ¨¤ compenser ¨¤ elle seule, explique que dans certains pays Pays Bas et Allemagne notamment-, jusqu'¨¤ 40 % des jeunes doctorants abandonnent une carri¨¨re en Europe durant la phase cruciale du passage entre le doctorat et le premier emploi , soit qu'ils se dirigent vers des fonctions plus lucratives, soit qu'ils pr¨¦f¨¨rent exercer leur recherche dans d'autres continents.

Cette ¨¦volution n'augure rien de bon quant ¨¤ la capacit¨¦ de l'Europe d'assurer ¨¤ l'avenir, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, des ressources humaines capables de relever les nouveaux d¨¦fis de la mondialisation.

C'est l¨¤ que le travail que vous avez initi¨¦ prend toute sa valeur, dans la mesure o¨´ il s'agit d'une des premi¨¨res r¨¦flexions d'ensemble sur la carri¨¨re des chercheurs en Europe, en int¨¦grant les diff¨¦rents aspects de la probl¨¦matique et une large couverture g¨¦ographique.

En appui au document de travail qui a servi de base aux discussions de la conf¨¦rence, je voudrais apporter quelques r¨¦flexions compl¨¦mentaires, vues sous l'angle de la Commission;

    La premi¨¨re est que nous ne pouvons concevoir une r¨¦flexion sur l'avenir de la recherche en Europe sans d¨¦velopper une s¨¦rie d'actions r¨¦solues afin de stimuler l'environnement des chercheurs aux diff¨¦rentes ¨¦tapes de leur carri¨¨re. Cette r¨¦flexion et cette action doivent ¨ºtre men¨¦es ¨¤ tous les niveaux: local, r¨¦gional, national et europ¨¦en.
Cette strat¨¦gie d'action passe par l'am¨¦lioration du financement des formations au niveau tant pr¨¦doctoral que postdoctoral, par une comp¨¦titivit¨¦ accrue sur le plan des salaires, et par un ¨¦talement des opportunit¨¦s de formation et de soutiens financiers tout au long de la carri¨¨re du chercheur.

Cette prise en compte constitue probablement la nouveaut¨¦ la plus significative du programme sp¨¦cifique du 6¨¨me programme-cadre consacr¨¦ aux Ressources humaines et ¨¤ la mobilit¨¦. La disparition de toute r¨¦f¨¦rence aux limites d'?ge permet en effet de d¨¦velopper une strat¨¦gie d'appui aux chercheurs qui se situe au plus pr¨¨s de leurs besoins et de leurs pr¨¦occupations, aux diff¨¦rentes ¨¦tapes de leur carri¨¨re.

En sch¨¦matisant quelque peu, les actions Marie Curie seront dor¨¦navant ¨¦chelonn¨¦es entre les formations au sein de structures d'accueil pour des jeunes chercheurs, m¨ºme doctorants, d'une part, et le financement de la constitution d'¨¦quipes internationales pour la mise en oeuvre de projets scientifiques de premier plan (les primes d'excellence)-, de l'autre.

Aujourd'hui, ce n'est plus l'?ge qui d¨¦termine le soutien financier, mais l'exp¨¦rience du chercheur et les besoins sp¨¦cifiques qu'il ou elle peut d¨¦velopper ¨¤ tout moment de sa vie professionnelle.

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    La deuxi¨¨me observation est qu'aucune avanc¨¦e dans le domaine de la recherche en Europe ne peut se concevoir aujourd'hui sans la prise en compte de la valeur ajout¨¦e europ¨¦enne, que ce soit en termes d'infrastructures, de r¨¦seaux, de d¨¦cloisonnement des structures nationales. Tel est l'objectif de l'Espace europ¨¦en de la Recherche, qu'une Communication r¨¦cente de la Commission vise ¨¤ approfondir et ¨¤ acc¨¦l¨¦rer.
Dans le domaine des ressources humaines, la concr¨¦tisation de cette valeur ajout¨¦e passe immanquablement par la mobilit¨¦. Les chercheurs sont par d¨¦finition l'une des cat¨¦gories de la population les plus naturellement mobiles. Les conditions ne sont pourtant pas suffisamment r¨¦unies pour faire de ce constat une r¨¦alit¨¦.

C'est la raison pour laquelle nous devons intensifier le travail entrepris jusqu'¨¤ pr¨¦sent pour am¨¦liorer le cadre juridique dans laquelle cette mobilit¨¦ peut s'op¨¦rer, que ce soit en termes de conditions d'entr¨¦e, de s¨¦curit¨¦ sociale ou de fiscalit¨¦.

Il ne s'agit pas ici de chercher ¨¤ d¨¦velopper ¨¤ tout prix un statut commun du chercheur cette t?che serait par d¨¦finition extr¨ºmement ardue, dans la mesure o¨´ la plupart de ces mati¨¨res continuent de relever de la comp¨¦tence des Etats membres, au titre de la subsidiarit¨¦. Mais des efforts s¨¦rieux doivent ¨ºtre entrepris pour d¨¦velopper et parfaire le travail entrepris pour reconna?tre la sp¨¦cificit¨¦ des chercheurs dans les prises de d¨¦cision communes, ¨¤ partir notamment de l'identification et de la diss¨¦mination des bonnes pratiques.

La dynamique de concertation d¨¦velopp¨¦e actuellement autour de la facilitation des conditions d'entr¨¦e des chercheurs ¨¦trangers, qui devrait d¨¦boucher ¨¤ terme sur la proposition de cr¨¦er un titre de s¨¦jour unique au niveau europ¨¦en, constituerait une premi¨¨re ¨¦tape importante dans la mise en oeuvre d'un environnement plus favorable aux chercheurs en Europe et, partant, dans la d¨¦finition de perspectives plus favorables en termes de carri¨¨re et de valorisation.

  • Tous les acteurs de la recherche doivent immanquablement ¨ºtre parties prenantes au d¨¦veloppement de cette valeur ajout¨¦e europ¨¦enne. Et je pense notamment ici au r?le des universit¨¦s. Trop de chercheurs h¨¦sitent encore ¨¤ entreprendre une formation ou une exp¨¦rience dans un autre pays par peur de la situation ¨¤ laquelle ils devront faire face ¨¤ leur retour. Sans oublier que, dans de nombreux pays, les p¨¦riodes de formation ou de mobilit¨¦ entreprises dans d'autres pays ne sont pas n¨¦cessairement prises en compte dans le calcul des pensions ou des promotions.
Ce cloisonnement des structures et des mentalit¨¦s confine trop souvent les chercheurs universitaires dans des perspectives de carri¨¨re lin¨¦aires et strictement r¨¦glement¨¦es, ce qui nuit fortement ¨¤ la circulation des id¨¦es et des connaissances.
    Des consid¨¦rations similaires s'appliquent, enfin, ¨¤ un autre domaine de la mobilit¨¦, auquel votre conf¨¦rence consacre un important volet, ¨¤ savoir la mobilit¨¦ inter-sectorielle.
L'absence de passerelles entre le monde acad¨¦mique et celui de l'entreprise constitue, de l'aveu de nombreux scientifiques, l'un des d¨¦savantages comparatifs les plus frappants dans notre positionnement avec les autres p?les de la recherche mondiale, en particulier les Etats Unis.
  • Cette situation r¨¦sulte tout d'abord de causes structurelles: moins de la moiti¨¦ des chercheurs et des ing¨¦nieurs travaillent aujourd'hui dans le secteur priv¨¦ de la recherche en Europe, alors qu'ils sont 80 % aux Etats Unis et 70 % au Japon.
Mais elle se fonde ¨¦galement et peut ¨ºtre surtout sur des consid¨¦rations d'ordre culturel, ¨¤ savoir une incompr¨¦hension et parfois m¨ºme une m¨¦connaissance mutuelle de l'autre secteur. La p¨¦rennit¨¦ des vieux clich¨¦s reconnaissance par le nombre de publications, d'un c?t¨¦, par l'exploitation et la commercialisation du savoir, de l'autre -, demeure largement ancr¨¦e dans les esprits.

Ce n'est pas un hasard d¨¨s lors si, parmi toutes les cat¨¦gories d'obstacles sur lesquels s'est pench¨¦ le Groupe d'Experts de Haut Niveau constitu¨¦ en mars 2000, suite au Conseil europ¨¦en de Lisbonne, la mobilit¨¦ inter-sectorielle est, pr¨¦cis¨¦ment, celle pour laquelle les experts sont demeur¨¦s les plus vagues, en termes de recommandations. Tr¨¨s peu de pays l'Irlande et, dans une moindre mesure, la Finlande -, disposent de taux de r¨¦ussite significatifs dans ce domaine.

  • Cette situation est pr¨¦occupante, car elle pourrait entraver la mise en oeuvre de l'objectif que nous nous sommes fix¨¦ au Conseil europ¨¦en de Lisbonne, de consacrer 3 % de notre PIB ¨¤ la recherche en 2010, les deux-tiers de cet investissement ¨¦tant ¨¤ r¨¦aliser au niveau du secteur priv¨¦.
A nouveau, comme pour la valeur ajout¨¦e europ¨¦enne, la solution dans ce domaine passe d'abord par un changement n¨¦cessaire des pratiques et des mentalit¨¦s. Ici encore, le programme Ressources humaines et mobilit¨¦ du 6¨¨me Programme-cadre apporte une ¨¦l¨¦ment de r¨¦ponse, en consacrant prioritairement une de ses actions, en mati¨¨re de transfert des connaissances, ¨¤ la coop¨¦ration entre les deux secteurs.

Je me r¨¦jouis ¨¦galement que certains Etats membres, comme les Pays Bas ou l'Irlande, aient introduit r¨¦cemment des programmes visant ¨¤ stimuler cette forme de mobilit¨¦, particuli¨¨rement dans le sens industrie -&gt; universit¨¦, o¨´ la coop¨¦ration demeure particuli¨¨rement d¨¦ficiente.

Madame la Ministre, Monsieur le Pr¨¦sident, Mesdames et Messieurs,

La question de la profession des chercheurs et de l'am¨¦lioration des conditions de la carri¨¨re des chercheurs en Europe constitue, on le voit, un tr¨¨s large terrain d'investigation, qui commence seulement aujourd'hui ¨¤ ¨ºtre explor¨¦ de mani¨¨re syst¨¦matique. Il renvoie en effet ¨¤ toute une s¨¦rie de consid¨¦rations qui touchent ¨¤ notre attractivit¨¦ et ¨¤ notre comp¨¦titivit¨¦ futures.

La Commission est extr¨ºmement sensible ¨¤ ces d¨¦veloppements. C'est la raison pour laquelle je puis vous annoncer que dans la ligne de la conf¨¦rence de ce jour, je compte proposer ¨¤ mes coll¨¨gues Commissaires, en juin 2003, d'adopter une Communication sur la carri¨¨re des chercheurs, qui int¨¦grerait une s¨¦rie de propositions concr¨¨tes pour am¨¦liorer les perspectives de carri¨¨re en Europe.

Cette ¨¦volution est essentielle, car ce sont les ressources humaines qui sous-tendent dans une large mesure la r¨¦alisation des objectifs politiques ambitieux que nous nous sommes fix¨¦s, et notamment de faire de l'Espace europ¨¦en de la Recherche l'¨¦conomie de la connaissance la plus comp¨¦titive et la plus dynamique au monde, d'ici 2010.

Les propositions que nous formulerons tous ensemble constitueront ¨¤ cet ¨¦gard la base pour que l'Espace europ¨¦en de la Recherche soit aussi et peut ¨ºtre surtout un espace europ¨¦en pour les chercheurs.

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DN: Date: 16/12/2002

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